Comme je connais le monde étroit de ma bouche circulaire
je tourne en rond à force de te nommer
mal je te nomme mal
à force de t’appeler
quand je parle ça part d’un rien qui n’en peut plus
des murs de mon bureau
d’une voix qui n’en peut plus
d’être la mienne emmurée
tu es cette inconnue
en quoi s’annonce la nudité du désir
délié des mots –
les mains clairvoyantes qui énoncent
la matière sans tain du miroir ouvert de l’horizon
je ne te connais
qu’à la différence revendiquée par ta peau
quand tu t’inventes une présence de corps
pris à mes caresses de diseur
tu me glisses dans la peau rugueuse d’hypothèses
me plonge dans la lecture rêveuse de ton sexe
tu me détournes du droit chemin du langage
me montres les voies plus sombres
de la clameur du prendre
tu désignes
le vol asyntaxique de la gorge déployée
sa texture de voile déchiré
la pleine voix du corps
de mon corps
entré en ta présence de peau neuve
je ne suis plus moi-même
de te connaître un peu
à force de te nommer moins mal
ta main transparente
ne dissimule rien d’autre que ta main transparente
qui guide mon désir vers la plus grande clarté de ton ventre
où les mots endeuillés se consolent bouche close
d’un murmure
ton corps transparent traverse le silence
ta langue négative ne vient pas de moi
ne me parle pas de moi
ton corps révèle le vivant
traversé par la mort
et ses yeux clairs d’enfant irréprochable
la mort est cet enfant
qui parle sans détour dans le livre des vivants
la mort transparente
peau neuve sous la main
qui me révèle mon corps de noyé
retrouve le souffle au plus profond de toi