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Insurrection de la subjectivité

Sous couvert de prétendre se libérer de toutes les idéologies et de toutes les superstitions, une chape de plomb d’un nouveau genre s’est abattue sur l’Occident depuis plusieurs décennies. L’extrême éclatement des sources de fascination visuelle ou auditive, associé à un tragique appauvrissement du discours sur l’Être, ont entraîné une forme nouvelle de narcissisme et de haine de l’intériorité humaine. Or, il est hautement concevable, voire nécessaire, de penser une forme de spiritualité libérée de toutes celles qui fuient la vie, la lumière, l’art, la poésie, la beauté sous toutes ses formes – l’âme. Cette insurrection de la subjectivité est un acte de résistance contre deux façons d’envisager l’acte de la pensée, véritables cancers déversés sur nous : la vision apocalyptique d’un Occident ou d’une France prétendument en voie de disparition – vieille lune réapparaissant régulièrement au point que l’on en oublie que ce sont les Occidentaux (et les Français) qui construisent, par leurs œuvres et par leurs actes, ce qui en fondent la richesse et la pérennité, non une pleurnicharde nostalgie – et l’esprit de troupeau, esclave à la fois du bruit (combien de dés-affranchis scellés à leur casque de peur de se confronter, ne serait-ce qu’une minute, à leur propre néant ?), du divertissement prédigéré, et cette liste pourrait se prolonger encore bien longtemps. Cette chape de plomb réclame qu’on y oppose une rupture radicale, sans en accepter la moindre concession. Il s’agit, au sens le plus fort du terme, de la survie spirituelle de cette part irrévocablement in-quantifiable et in-utile et, à ce titre, in-supportable aux masses et au libéralisme. La résistance suppose un lieu et un projet. Ce site en sera la base d’envol vers de nouveaux espaces, en tension sans cesse réitérée entre la « base et le sommet », écart évoqué par René Char déployant « l’itinéraire nonpareil, jusqu’à la folle faveur, une exigence de la conscience enfin à laquelle nous ne pouvons-nous soustraire, avant de tomber au gouffre. ». Préalablement à ce dernier se pose la triple question de l’attitude à opposer à la force agissante de la massification imposée par les modes et les instincts grégaires, de la subjectivité – antithèse absolue du narcissisme centré de nos jours sur la dictature du corps, décadence remarquablement décrite par Robert Redeker – et enfin du projet insurrectionnel à imposer face ce qui se ramène à une défaite contemporaine de la pensée. Ce site sera le point de départ de la vaste réflexion et du vaste projet dont ce jour n’est, soyons-en sûrs, qu’un point de départ.

Le symbole

Le symbole représentant les deux « SS » enchâssés l’un dans l’autre exprime parfaitement l’idée du projet de ce site. Nous nous attacherons d’une part à unifier en un espace privilégié « le Sublime » et le « Sens » afin que l’unité de cette fusion métamorphose notre projet en œuvre. Nous percevons d’autre part cet espace virtuel comme le coffret de luxe dans lequel les créations – pierres précieuses de l’âme et de l’esprit – seront offertes aux sens de celles et ceux qui y seront sensibles.

Ce symbole est enfin l’expression d’une vision plus ontologique. L’être humain a connu, depuis plusieurs décennies, une radicalisation de l’éclatement de sa subjectivité. La perte de repère dans le macrocosme n’est certes pas nouveau – Pascal, entre autres, l’avait superbement exprimé. Ce qui l’est plus est la sensation d’être désormais cet être intérieur pulvérisé, envahi par le microcosme socio-économique (au sein duquel Internet est un des faisceaux essentiels). Une forme de fatigue – ou de son corollaire, l’endormissement de l’esprit critique – se répand sur toute la surface du globe, se travestissant sous le masque, bien pratique, du « fatalisme ». Dès lors, l’idée d’unité semble pour certains une utopie absurde frappée tout autant d’inutilité que d’impossibilité. Pour d’autres, la seule issue serait de tomber dans la religion ou l’idéologie.

Disons-le dès à présent : ni l’une ni l’autre de ces positions ne conviennent au projet proposé par L’Enchâssement.

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