Et si nous posions des questions aux questions, ne serions-nous pas dans la poésie, sa pensée ?
La pensée du poème est dans le poème, sinon, ce n’est pas un poème, c’est autre chose… Un divertissement ?
La rose n’est pas sans pourquoi, elle fleurit pour moi, elle fleurit pour nous. J’en fait, chaque jour et même chaque nuit, l’expérience.
On doit traverser l’épine, sans s’y fixer. Demeure l’odeur de la fleur des fleurs… C’est un peu comme transformer la malédiction en exultation.
Le même tourne et retourne en tant que différent (Kostas Axelos)… La traversée est autre chose que l’expérience, elle s’inscrit dans un jeu et l’enjeu, c’est toujours L’amour malgré, sa voie, sa voix.
C’est pour cela que je m’intéresse de plus en plus à la peinture, et notamment à ce que pourrais qualifier de poésie peinte, car là se dévoile ce que j’appelle volontiers l’intime dense ou mieux encore l’intime au secret. Cet intime s’illustre – si je peux dire – dans autre chose qu’une simple représentation et de ses effets.
Elle garde son trait et son éclat, tout en restant suspendu à la question, celle de notre présence à la présence des choses.
La peinture, comme la poésie, a une histoire qui n’est pas seulement celle des historiens et des experts… Elle s’inscrit, avant tout, dans notre histoire personnelle qui s’incarne pour moi aujourd’hui chez deux singularités : Nora Boulanger-Hirsch et Vinca Coudé.
Extrait de « L’amour malgré ».
L’amour malgré quand il traine encore
Sur la terre en voie de dévastation…
Quand il parle en se taisant et se tait en parlant
Quand ses rêves rêvent contre la réalité
Quand insaisissable il ouvre le temps
Quand il s’étend en jeu où tout joue avec goût
Quand ses profusions d’herbe se mêlent à celles du monde
Quand il s’endort sous la douceur des caresses
Quand son absence déclenche une chute
Quand sa chute traverse les nervures de la langue
Quand il est passerelle vers l’autre
Quand il retourne sobrement vers la terre
Quand il lance ses filets sur l’océan
Quand son jeu se brise & tombe en morceaux
Quand il tourne & se retourne dans un cercle
Quand il se couche dans la grisaille du jour
Quand il s’enchante sur des lèvres nouvelles
(…)
Amour bel abime tout blanc
Un peu de bleu colore vos yeux
Ou de brun velours de vos mains
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Amants & poètes recueillent des images
A fermeture lente ou brutale
Si la poésie est mode de vie
Tout est proche & proche
Se fait lointain
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Ces visages
Ces rivières
Je joue au centre rayonnant, d’où partent et convergent les beautés belles les beautés laides.
Tout ça, dans le silence parlant du monde
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Expérience immédiate
Connaissance
Quelque chose arrive, je deviens
Je ne deviens qu’en tant que quelque chose arrive
Sur la rive
Dans le sentir le ressenti
Dans le rêve et l’ombre du rêve
Sur ces lèvres qui goûtent les miennes
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Tantôt je suis lent sur le chemin
Tantôt dessaisi & tourbillonnant
Aux aguets, masquant l’élan
De ce qui indéfiniment se déploie autour de moi
En pur silence blanc & s’étale
Du ciel haut sans gravier
Pour apparaitre dans ce qui n’apparait pas entièrement
& miroite sur la mer
Comme voir & entendre & toucher
Son corps ses fruits ses failles
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Il faut un centre – ton visage –
Pour habiter les possibles
Un miroir où scintillent
Amour-désir, désir d’amour
Un oubli de moi qui flamboie
Vers toi
Il faut chercher & trouver
Une vie plus haute
Une lumière sous tes paupières & dans les arbres
Une langue à l’aube du premier baiser
Vinca Coudé, « L’intime au secret » : 130/200 cm. acrylique /encre/craie sur drap de lin brut. » L’intime au secret » fait partie des séries peintes de Vinca Coudé intitulées « Les déesses du monde », « Celle-ci toute nouvelle en prairie verte de l’intime au secret / comme profusion d’herbes en éclats fauves. » Pascal Boulanger
Cette peinture de Nora Boulanger-Hirsch fera partie du livre de Pascal Boulanger, « L’amour malgré », à paraître fin septembre aux éditions Voix d’encre.