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BRUNO GENESTE - SANCTUAIRE DU MILIEU DES VENTS

L’ENFANT CHAMAN

 

 

Il fait un ciel

de vent

qui danse dans les feuilles

avant la chute

ici

rien ne s’ouvre

mais s’éveille dans un cauchemar

de chiffres et de fer

 

 

neige

des temps qui brûlent

et s’enlisent

aux sommets des schistes

aigus

 

 

leurs grammaires

de lignes fragmentées

jusqu’à l’extrême pointe

de l’Armorique

où se dresse le grand rocher

le sens totémique

des mots puissants

 

 

comme l’éclair

au-dessus de l’archipel

 

 

les jours de vagues vivantes

sur l’autre versant

des sables

l’esprit double

les récifs métaphysiques

 

 

qui séparent

et lient la fleur

au souffle cartographié

d’oiseaux hyperboréens

de l’enfance

à dos de rocs

 

 

je sais dit-il :

 

 

ce devenir d’icône

vertèbre au sable

coquille d’albâtre

semence aux abers

de bois flottés

 

 

l’anagramme d’écume

du flux dans l’anfractuosité

rugueuse du grand rocher

 

 

nu debout

entre deux hémisphères

le vent vacille

la lame du phare

dans le cercle

griffe des blocs

oblongs

à tête d’aigle

de l’île

 

 

son ciel dit :

je suis l’encre

des voyelles

de limon sur l’autre rive…

 

 

froid d’aube

trempée de peaux ciselées

de galets sous l’écorce

des lumières

 

 

avance un cargo

interlope rouge

à bec dévoré

de soleils bas

 

 

l’envol

au plus haut promontoire

éloigne l’église

son calvaire

le poids du royaume

de l’exil

au vent la nuit

nul centre

ne pèse

le sentier du vol

pèlerin sous le nom

s’ouvre l’estuaire

écoute ce qui va par les racines

aux muscles sous les pierres

de sel

la sève

sur la terre vaste

qui monte jusqu’au ciel

de tes pas

 

 

l’atlantique fantôme

diamant de l’immense

étreindre l’isthme

 

 

la fièvre d’une aile

sur les quartz

d’oiseaux

d’astres

mêlés de neige

au fond d’un puits

insondable

comme en toi

la parole

sa vigueur

d’os et de feu

 

 

 

 

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SANCTUAIRE DU MILIEU DES VENTS

 

 

Faisceaux de lumière

boréenne venue brûler

les cendres

aux bords des terres

 

 

voler les yeux de givres

des vitres

enclins d’Orient

 

 

*

*          *

 

 

J’entends et médite

l’orgiaque silence

phare

sémaphore

souffle

et cri des mouettes

dans l’épine des vents

 

 

l’oghamique pierre

brisée à l’enclume

des vagues

au couchant qui s’éteint

et brûle sous les lampes

celtes

d’exil est votre sommeil

passage par le visible

dans l’invisible d’une porte

 

 

*

*          *

 

 

dans le jour un voyageur

viendra habité

du secret de l’oiseau

 

 

les sources de pierres

allumeront des feux

 

 

dans l’air s’entrechoquera

un silence d’arbre

auprès des eaux

 

 

*

*          *

 

 

l’esprit du vent

au nord calligraphiera

les landes

 

 

sur les grèves un amphithéâtre

de mouettes

enseignera au regard

le non savoir du vol

 

 

*

*          *

 

 

la présence sera ce lieu nul

et désert

sanctuaire du milieu vide

près de l’étang

où tant d’os blanchis

viennent crucifier les plaines

 

 

la dernière parenthèse

de lumière

soulignera d’ocre le chemin

nous saurons faire circuler

l’orage

et la pluie d’ouest sur l’archipel

où l’un sera le tout

au feu de l’aurore

comme un totem

 

 

libre aux falaises

d’ailes inversées

sur l’eau

 

 

fluide dans l’ombre

 

 

en cercle nous écouterons

la parole inscrire

l’empreinte de l’œil

sur la langue

 

 

*

*          *

 

 

heureux dans l’air d’octobre

aux traits de feuilles

happés par l’infini

 

 

aveugle tu marcheras

longtemps dans le soir

de cendres rouges

et d’oiseaux de buée

car ivre

aux tambours de sables

tu verras ton moi

 

 

dissous par la lumière

pour les siècles des siècles.

 

 

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DEUX PÔLES

À Paul Quéré

L’équivoque

d’un jour de cendre

d’orties

sur le miroir

de la chambre ouverte

sur l’archipel

 

 

tournoie

des sentes

de fougères aigles

 

 

ria

cap

squelette

fossiles

d’étoiles

cuites aux vasques

des roches quaternaires

dans la fissure

incendiée du ciel

l’arbre

l’ombre

aux doigts

d’écorces

sur la table

le livre

des continents

de l’esprit

sans boussole

là-bas l’œil

veille

aux interstices

du sable

en lui l’air

comme une poignée

de vol

respire

l’oblique

des vagues

des falaises

l’instant

ses copeaux

de galets nus

un silex

deux pôles

dans l’immobilité

d’un rivage

qui en nous se déplie.

 

 

*

*          *

 

 

« … et quand je serai grand, je serai chaman,

révélateur d’énergie et passeur de gué… »

Jean-Loup Le Cuff

 

 

Sculpteur de totem

à cornes

en marche vers le couchant

 

 

des chemins d’Avallac’h

de l’esprit

au sens pluriel

nourri de l’arbre

 

 

entre les pierres

aux tempes

bat la source

sur l’enclume de l’air

du vide

que l’on plante

en soi

entre les lignes

qui tracent en nous

 

 

la terre silex

du passe

de l’autre côté

où blanc un fleuve

d’étoles et de foudre

berce l’éternité.

 

 

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LA BAIE

 

 

Les mots substantiels

sont dans la terre

et la mer.

 

 

Walt Whitman

 

 

Être tout simplement

l’intime embrasure

silencieuse

d’où s’échappe le vol

lie tes os

à l’eau

de la baie d’algues rouges

d’où jaillira ce cri

dans l’instant déjà clos.

 

 

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OSSATURE

 

 

La lune dévie

des signaux de roches

entre les pins

 

 

elle dit :

j’avance dans mes pensées

comme un goéland d’aurore

encercle le navire

 

 

j’habite

l’aveugle vacuité

liquide des désolations

 

 

l’incandescence

d’un lieu de sable

 

 

la cendre

l’aile

froide

des flottaisons.

 

 

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LE RITUEL NOMADE

 

 

La langue

enlevée de la bouche

et qui veut revenir

c’est ce jeu rituel qui fonde le poème

 

 

Serge Pey

 

 

L’horizon

l’œil

 

 

la sécrétion

des lumières

 

 

ce long chemin

 

 

l’intime rotation

d’une barque

 

 

son ciel

en nous

 

 

sous l’arc

des pluies

 

 

errant

 

 

à l’aube

la lune

 

 

à l’angle

magnétique

du pôle

 

 

s’écarte de nous

 

 

l’oubli

d’être

l’instant

 

 

total

 

 

le cercle

la falaise

le cri

 

 

base d’envol

 

 

vivante

la pierre

archive ses cristaux

d’âge

ses lisières aux rudes

syllabes d’hommes

 

 

l’empreinte granitique

 

 

du présent

jusqu’aux limites

des roseaux

qu’emprisonne

la rosée

 

 

l’image

liquide du ciel

 

 

bascule nos mains

dans le feu

 

 

approche

à contre-jour

l’indicible

d’être ce que

tu vois

 

 

une géographie

de plaines à peaux

de visages

 

 

le lieu

ses ailes

de vents froids.

 

 

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SUR L’ÎLE AUX CHIENS

 

 

L’anabase

des miroirs d’eaux

prononce l’aube

 

 

un reflet

 

 

investit d’azur

littoral de pierre

aux grèves

l’ossement rompu

d’un vol par sédition

de l’air

 

 

des pas

 

 

l’aveu

éphémère

rupture

d’empreinte

 

 

une faille

 

 

l’éruption

au nord runique

d’un gouffre

de roches sonores

 

 

l’envers

 

 

la trame

d’infini

silence

d’oiseaux

 

 

dans la sécheresse

des yeux

 

 

la durée

 

 

mica quartz

fantôme

désaltère

 

 

ta chambre

ton esprit

 

 

ta rame

l’œil

vers l’île aux chiens

 

 

amer

 

 

deux piliers

noirs

sur le blanc

paysage rituel

nomade

qu’appose son feu

sur l’erg des vents.

 

 

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PÉNINSULE

 

 

Tandis qu’une nuée

d’oiseaux fous

lancent vers la terre

 

 

nue

 

 

leurs cris

contre le jour

 

 

au nord des péninsules

la forge d’écume

du vieux chaman

martèle les rocs

sous l’intangible

secret des vents

 

 

rivages infusés

d’aube rouge

écharpe de dunes

criste-marine

et carex des sables

 

 

bloc de quartz miroir

de la conscience reflétée

dans l’orbe des pierres

 

 

ce territoire du vide

sous les pas de sable

glisse l’Être au vent

comme une cime

qui vacille

 

 

boit cette eau

dionysiaque masque

liquide

de cristaux

sur l’onde

 

 

au pays des rochers noirs

dans la fumée de sel

où l’inconnu se déploie

halé par des vents d’ouest

 

 

pensée océanique

au souffle qui se perd

au sexe chaos niché

dans l’unité des grèves

 

 

l’esprit traversé

d’orages nomades

à l’aurore

d’un vol pivot

le crâne libre

 

 

sous l’aile

du temps

décousu

par des millions

d’oiseaux

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