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ENTRETIEN AVEC L'ARTISTE PEINTRE JUSTINE BEGUIN

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Artiste peintre abstraite autodidacte, Justine Beguin s’exprime à travers la peinture à l’huile en laissant, dit-elle, « parler [son] âme ». Toute personne qui contemple ses toiles est envoûté par l’élan et l’univers fantastique qui y règnent. C’est pourquoi nous souhaitions, fidèle à notre désir de nous ouvrir aux êtres chez qui les créations élargissent l’esprit aux dimensions de l’univers, échanger avec cette jeune peintre extrêmement douée.

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  • Vous donnez une grande importance à l’intuition dans votre activité artistique. Avez-vous parfois un projet précis avant de vous lancer ou êtes-vous toujours dans une sorte d’inconnu ?

L’intuition est en effet la base de mon travail : se laisser guider par la lumière, notre âme, nos guides… L’intuition en est la voie. Elle se manifeste parfois simplement par l’envie de peindre sur le moment, alors je me lance en effet dans « l’un-connu ». À d’autres moments j’ai un sujet précis en tête, mais finalement celui-ci est venu par ces mêmes canaux. Je pense par exemple à certaines toiles qui sont issues de visions ou de « flash », l’image est alors très claire et je sais où je vais. Pour d’autres toiles encore j’ai le sujet en tête, disons un thème, une énergie et je me laisse guider directement en créant. Les façons de créer sont en fait assez variées !

  • Vous avez étudié l’histoire de l’art à Tours et vous dites que « la découverte des multiples œuvres » a réveillé chez vous « un désir artistique, tout en [vous] permettant d’approfondir [la] compréhension » de ce domaine artistique. Quelles œuvres et peintres ont amorcé chez vous ce processus créatif ?

J’ai toujours eu cette fibre créatrice, sans jamais oser me lancer pour autant car être artiste n’est pas considéré comme un « vrai » métier, et les diktats de la société sont parfois durs à dépasser. Ces études m’ont permis de replonger dans cette passion ! On n’y apprend pas seulement à décrire une œuvre, mais disons à entrer dedans, à la comprendre intérieurement afin de pouvoir l’expliquer clairement. J’aime énormément Michel-Ange, dont les œuvres sont d’une grande douceur et pureté, la connexion avec le divin est très forte jusque dans la manière de réaliser les tracés et les courbes. J’apprécie aussi beaucoup Van Gogh qui, à mon sens, représentait ce qu’il ressentait énergétiquement ! Pour citer un dernier artiste, la toile « L’île des morts » d’Arnold Böcklin m’a beaucoup touchée : on ressent lorsqu’un artiste représente des choses qu’il a vues ou sait intérieurement, les œuvres semblent avoir une plus grande profondeur, il y a une âme à leur travaux.

  • Il y a un mouvement permanent et un jeu subtil (et sublime) avec les couleurs et la lumière dans vos peintures (« La Brume bleue », « Le Dragon d’or », « Accomplissement », « L’alchimie des dragons »…). Ces mouvements et couleurs suivent-elles ou sont-elles à l’origine de ce qui est symbolisé sur la toile ?

Tout est un, je ne saurais dire si c’est le mouvement et les couleurs qui induisent l’énergie ou bien l’inverse, tout est lié.

  • La quête spirituelle tient une place centrale dans votre imaginaire. Des auteurs, des voyages ou des philosophies vous ont-elles inspirée ?

Beaucoup de voyages intérieurs ! Petite (et c’est le cas pour beaucoup d’entre nous) tout était clair et la magie était chose normale, puis on nous apprend que ça n’existe pas et on déconstruit nos croyances jusqu’à les oublier. Il faut ensuite faire un travail intérieur, spirituel, afin de retrouver ces réponses. Je médite beaucoup et rêve aussi énormément, j’essaie de tirer un maximum de leçons de ces voyages intérieurs car tout commence en nous ! Depuis peu je me suis remise à la lecture (philosophique et spirituelle), j’ai énormément apprécié « Ami – Enfant Des Étoiles », ainsi que « L’alchimiste » de Paolo Coelho.

  • Les couleurs ne sont pas choisies que de façon intuitive, vos textes (très éclairants) qui les accompagnent nous ouvrent à ce qui vous a amenée à opter pour telle ou telle couleur, je pense notamment au superbe tableau « Le miroir de l’âme ».

C’est intéressant car justement pour ce tableau tout est venu de façon totalement intuitive ! Bien souvent, comme c’est le cas pour « Le miroir de l’âme », je ne sais pas vraiment moi-même ce que je peins… Je me laisse simplement guider au fil de mes envies, et je constate ensuite. C’est après réalisation et en observant que je développe et interprète moi-même les toiles, que j’essaie de comprendre ce que j’ai reçu et je l’écris afin de le partager, et d’apporter un éclairage sur les toiles. J’ai remarqué que beaucoup de personnes apprécient d’avoir un « descriptif » sur l’œuvre afin de la comprendre pleinement. J’essaie donc au maximum de retranscrire cela. Ça permet également d’aller plus loin dans ce que je souhaite partager : c’est-à-dire aider les gens à trouver les réponses par eux-mêmes et en eux-mêmes, comme un petit plan de route de méditation.

  • « Des ténèbres jaillit la lumière », « Ascension » « La montée des âmes », « La traversée » : le mouvement n’est pas que dans les formes et les couleurs, mais aussi dans l’idée qui porte les thèmes. Comment décririez-vous votre expérience artistique, votre vécu intérieur pendant l’acte créatif ?

Disons que je me laisse aussi porter par cette énergie. Pour la représenter il faut la vivre, il faut être sur la même fréquence ou vibration. C’est pour cela aussi que la réalisation peut prendre du temps : j’attends souvent plusieurs jours avant de ressentir cette énergie en moi et de me sentir prête à la peindre (je pense notamment à « La montée des âmes »). J’essaie de me rapprocher au maximum de ce que je veux représenter, intérieurement. Je dois donner une part de moi-même dans le processus, le vivre pleinement pour qu’il devienne vrai et pour que cela se ressente dans le résultat final.

  • Pourriez-vous nous en dire plus sur l’influence prédominante qu’a eue sur vous votre séjour en Guyane ?

C’est vraiment un endroit merveilleux ! Pour moi qui vient de la campagne, c’est le paradis, c’est une campagne aussi en quelque sorte mais tellement plus dense. Les énergies là-bas y sont très fortes et les esprits nombreux. Quand on est en ville on est assez déconnecté de tout cela finalement, il y a très peu d’esprits de la nature, le bitume nous coupe de tout. Là-bas on est littéralement plongé dedans, quand on ressent les énergies c’est très fort et très inspirant. J’ai d’ailleurs peint plusieurs paysages.

Au-delà de ça il faut dire aussi que j’ai vécu au sein de ma famille (celle de mon conjoint) qui est Hmong. Traditionnellement les Hmong sont animistes, et de vivre à l’intérieur de ces rituels quotidiens, de ces croyances naturelles m’a beaucoup aidée à me les réapproprier aussi, à refaire un avec le monde des esprits.

  1. Comment définiriez-vous le néologisme « soi-m’aime » ?

C’est ce qu’on appelle le « langage des oiseaux ». Je le trouve très intéressant car on trouve ainsi le sens caché des mots, on peut les comprendre sous un autre angle. L’inconnu devient « l’un-connu », la mésange devient « mes-anges » et soi-même devient « soi-m’aime ». Il faut à mon sens savoir s’aimer soi-même pour pouvoir avancer, pour cheminer, tout est lié : c’est l’intérieur qui se reflète à l’extérieur, tout commence par soi.

  • Avez-vous un projet que vous rêveriez de réaliser, telle une vaste fresque, par exemple ?

Je ne suis pas très attirée par les fresques ou le street art, ça viendra peut être un jour. En revanche j’adore les toiles de grand format ! On peut vraiment s’exprimer librement et créer de nouvelles choses sans limite, il faut par contre de l’espace pour stocker et ces toiles ont un coût.

J’ai aussi une idée en tête que je compte développer qui ira plus loin dans la peinture, avec peut-être une part de sculpture dedans, c’est encore un peu flou mais l’idée m’attire vraiment, je dois réussir à donner une nouvelle dimension à la toile afin qu’elle ait encore plus de relief, qu’elle soit à la limite de la sculpture. J’essaie de me donner les moyens de réaliser mes projets au jour le jour, je ne veux pas regretter de ne pas avoir essayé !

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